L'artillerie de la fin du XIX° siècle est hippomobile, au même
titre que la Cavalerie ou le Train des
Equipages.Le
cheval tient donc une place primordiale dans le service du canon de 75
jusque dans les années 30 où la traction automobile commence
à faire son apparition.
En
1913, l’armée dispose de 150 000 chevaux répartis
en 100 000 de selle et 50 000 chevaux d’attelage.
Lors de la mobilisation en août 1914, de nombreuses nouvelles unités
sont mises sur le pied de guerre, ce qui double tout à coup le
besoin en chevaux, soit 300 000 chevaux. Ceci sans compter les chevaux
morts ou à remplacer au plus tôt dès que les hostilités
se déclenchent.
LA
REQUISITION DES CHEVAUX.
Les
ressources nationales qui sont estimées à environ 3 230
000 chevaux disponibles, permettent de satisfaire aux besoins de la mobilisation.
La
réquisition des chevaux est donc une opération vitale qui
est préparée et suivie dès le temps de paix. Les
chevaux existants doivent être recensés et classés.
C’est le service de la remonte militaire
qui organise et gère ce suivi administratif. Un recensement
annuel des chevaux, juments, mulets et mules est fait grâce
à la déclaration obligatoire de leurs propriétaires
auprès de leur mairie. Les registres des mairies sont ensuite envoyés
au service régional des remontes qui en assure le suivi. Il existe
aussi un recensement des véhicules hippomobiles, qui a lieu tous
les trois ans.
La
deuxième opération après le recensement est le
classement. Il est fait par une commission se déplacant
chaque année dans la moitié des communes. Cette commission
va affecter chaque animal vu à une catégorie bien précise
(cheval de tête – ou d’officier-, cheval de selle, cheval
d’attelage, etc…).
Si
toute l’armée est hippomobile, la Cavalerie
(chevaux d’officiers et de selle) et surtout l’Artillerie
(chevaux de trait) sont les pricipaux utilisateurs de chevaux avec le
Train des Equipages Militaires.
En
cas de mobilisation, les réquisitions
d’animaux sont soumises à un barême de prix fixé
par une circulaire du ministère de la guerre. Ces réquisitions
sont faites par des comités d’achat qui font leur tournée
dans les villes et villages avertis par voie d’affichage. Les achats
se font en public sous la direction du président du comité
de réquisition.
Les chevaux sont ensuite regroupés au sein de dépôts
par la remonte militaire puis triés lors d’exercices simples
pour les classer selon leurs aptitudes et leur allure.
Les animaux réquisitionnés travaillant la plupart du temps
au sein d’exploitations agricoles doivent être dressés,
au moins sommairement, pour pouvoir répondre aux besoins minimum
des militaires : dressage à la selle ou bien dressage au travail
en attelage (trait ou guides). Les chevaux âgés de plus de
cinq ans sont ensuite envoyés dans les régiments ; ceux
encore trop jeunes sont envoyés dans des établissements
de transition. Bien souvent, ces chevaux réquisitionnés
ne correpondent pas du tout aux chevaux dont l’armée d’active
a besoin : fragiles et fatigués, effrayés et peu endurants.
Une fois affectés dans les régiments d’artillerie,
il faut souvent parfaire leur dressage pendant encore plusieurs mois avant
qu’ils ne puissent rendre les services que l’on attend
d’eux.
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Les
qualités d’un cheval d’artillerie de
campagne sont les suivantes: il doit être capable
d’effectuer des étapes de 40 km, de rester
attelé pendant plusieurs jours, d’évoluer dans des
terrains difficiles avec la plus grande docilité.
Car si un attelage de 6 chevaux semble largement suffisant (4 chevaux
suffisent) pour tracter un canon de 75, son avant-train et ses 6 servants,
le poids tiré par chaque cheval étant à peu près
égal à 328 kg, les six chevaux deviennent vite indispensables
pour faire évoluer ce même attelage dans la boue où
les fines roues du canon s’enfoncent aisément, ou bien pour
accéder aux positions de tir par des chemins très accidentés.
Les chevaux les plus aptes pour l’attelage de l’Artillerie
de Campagne sont les chevaux à deux fins, c’est-à-dire
aptes à servir en cheval de selle, aussi bien qu’à
trotter en attelage, d’une taille comprise entre 1,48 et 1,52 mètres
et d’un poids d’environ 450 kg.
LES
CHEVAUX PENDANT LA GUERRE.
Quatre
mois après le début de la guerre, l’armée commence
déjà à manquer de chevaux, ceci malgré plusieurs
séries de réquisitions. Il est même décidé
d’abaisser d’un an l’âge minimum de réquisition
des chevaux. Mais tous les chevaux ne peuvent être réquisitionnés
sans mettre en danger l’activité économique du pays
car les exploitations agricoles et même l’industrie utilisent
largement la force hippomobile pour leur production. De nombreux paysans
sont déjà forcés de ne travailler qu’avec un
minimum d’animaux. De plus, une grande partie du territoire national
est envahie par l’ennemi et prive l’armée d’une
grande partie des animaux réquisitionnables avant la guerre. André
ARIBAUD, note dans ses carnets de guerre: (...) «
Les propriétaires de ces chevaux se trouvaient désemparés
et se demandaient comment assurer, à l’avenir, l’exploitation
de leurs propriétés.»
Début
1915, on estime à 128 000
le nombre de chevaux morts ou n’étant plus apte à
faire campagne. Les besoins mensuels sont énormes et s’élèvent
à environ 35 000 chevaux. La France trouve rapidement la solution
à ses besoins dès la fin 1914 en ayant recours à
l’importation de chevaux en provenance des Etats-Unis.
Le jeune André ARIBAUD s’engage
en 1916 pour 3 ans au 3° RAC en tant que conducteur. L’équitation
prend une part importante sans ses classes d’artilleur ; il témoigne
à propos des chevaux américains :
« Les classes à cheval furent extrêmement pénibles,
attendu que nous devions apprendre à faire du cheval avec des chevaux
sauvages pris au lasso dans la brousse canadienne. Ils arrivaient par
pleins bateaux, et cela devait continuer jusqu’à la fin de
la guerre, la presque totalité des chevaux français ayant
été réquisitionnés en 1914. »
De
1914 à 1917, la remonte militaire réquisitionne ou achète
environ 950 000 animaux en France et importe des Etats-Unis environ 474
000 chevaux, soit un total de 1 450 000 chevaux et mulets incorporés
dans les armées en 41 mois.
L’énorme
consommation de chevaux pendant la grande guerre dans l’Artillerie
est due à plusieurs facteurs :
- les chevaux fournis par la remonte ne correspondent
pas toujours aux critères de rusticité recherchés
pour des chevaux d’artillerie ou bien ils arrivent déjà
fatigués ou peu entraînés,
- le surmenage de ces chevaux lors des préparations des grandes
offensives qui effectuent des étapes beaucoup trop longues pour
rejoindre leur secteur, les ravitaillements en munitions incessants
pendant la bataille, dans un terrain boueux et accidenté ou bien
sous un soleil de plomb. Paul LINTIER témoigne
lorqu'il doit rejoindre de nuit sa position dans les Vosges: "J'avance
lentement. Derrière moi, les lourdes voitures attelées
de huit chevaux suivent à grand'peine à travers les montées
rudes et les descentes plus terribles encore sur les pierre roulantes."
- les maladies atteignent d’autant plus facilement les animaux
qu’ils sont surmenés et souvent mal nourris ; c’est
une des principales causes de mortalité des chevaux dans l’Artillerie,
les épidémies ayant eu des effets dévatateurs.
- Au même titre que les hommes, les chevaux étaient soumis
aux tirs dévastateurs de l’artillerie adverse qui causait
de lourdes pertes. André ARIBAUD, artilleur au 273° RAC,
témoigne dans ses mémoires : « Malheureusement
cet obus était tombé sur la route où étaient
arrêtées les voitures de la batterie (…) nous assistons
à un bien triste spectacle. On entendait des plaintes de partout
et c’était la nuit noire. Certains conducteurs étaient
enchevêtrés dans les traits, sous les chevaux morts ou
blessés. (…) Un grand nombre de morts et de blessés
gisaient au milieu des chevaux tués ou blessés, appartenant
tous à la 41° batterie. »
L'ALIMENTATION
DES CHEVAUX.
Les principaux fourrages données aux
chevaux sont le foin (herbe séchée), la paille et l’avoine.
Il existe plusieurs catégories de rations en fonction des chevaux
et de leur utilisation.
Par
exemple :
- un cheval de Cuirassiers ou de l’Artillerie lourde reçoit
une ration journalière de 4 kg de foin et de 6,6 kg d’avoine,
tandis qu’un cheval de l’Artillerie de Campagne reçoit
une ration de 3,850 kg de foin et de 6,450 kg d’avoine.
Ces valeurs, qui ne sont que théoriques, ne seront que rarement
respectées pendant la guerre. Les aléas des approvisionnements
(pénurie d’avoine, aliments de substitution,etc…),
les délais d'acheminement du ravitaillement et les priorités
données aux opérations sur le terrain ont souvent fait que
les chevaux employés près du front n’ont pas toujours
été correctement nourris.
Néanmoins, certains chevaux étaient relativement bien traités
par les soldats, comme par exemple un dénommé Belenfant
dépeint par Paul LINTIER: "
S'il jette à ses chevaux les plus énormes injures, il les
traite avec douceur et amitié. On l'a vu faire jusqu'à une
lieue, le soir, après une étape mortelle, afin de leur trouver
quelques brassées de foin."
" (...) très longue marche de nuit. Il était plus d’une
heure du matin lorsque, enfin, nous nous sommes arrêtés.
Il a encore fallu faire la soupe, mener les chevaux boire et leur donner
l’avoine."
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L’eau
: un cheval doit boire environ 20 litres en 24 heures, en
au moins deux fois. De plus, le cheval est un animal assez difficile vis-à-vis
de la qualité de l'eau qu'il boit ce qui complique encore les problèmes
d'approvisionnement: il faut allier quantité et qualité
de l'eau.
Paul LINTIER, dans son livre "Ma
pièce" aborde ce sujet : « A l’heure
de l’abreuvoir, l’unique rue du village est pleine de chevaux
tenus en main ou montés à poil. Six batteries sont cantonnées
autour de Moirey et il n’y a ici qu’une seule auge où
tombe d’une fontaine un filet d’eau claire, gros au plus comme
deux doigts (...) Au bout de cinq minutes, on avance encore de vingt pas.
Lorsque nous arrivons enfin aux abords de l’abreuvoir, où
l’on s’enfonce dans la boue jusqu’aux chevilles, des
centaines de chevaux ont laissé sur l’eau tant de bave que
nos bêtes refusent de boire. »
Une batterie montée
de canons de 75 possède 215 chevaux et doit leur donc donner 4300
litres d’eau par jour, ce qui nécessite une logistique de
l’eau bien organisée. Face aux besoins des unités
présentes dans un même secteur du front, un service
des eaux placé sous la responsabilité du Génie
est crée en 1915. Ce service est notamment
chargé de créer le nombre de points d’eau suffisants
(abreuvoirs) répartis dans un secteur et d’assurer la bonne
qualité de l’eau fournie aux chevaux et aux hommes.
Dans "Le tube 1233", Paul LINTIER
évoque à plusieurs reprises le problème de l'approvisionnement
en eau pour ses chevaux: "(...)Ca allait! ... A part l'abreuvoir.
C'était tout un voyage, deux fois par jour aux puits... et l'eau
n'était guère abondante.. Enfin!... (...)".
L'APPRENTISSAGE
DE L'EQUITATION.
« pour
les élèves gradés, le départ à cheval
était toujours fixé au petit jour et comportait trois heures
de manœuvres. »
A
SUIVRE...
LE
HARNACHEMENT DES CHEVAUX.
L'attelage du canon
de 75 (ou voiture) peut être de deux types:
- voiture-caisson
(avant-train + arrière-train de caisson)
- ou voiture canon (avant-train + canon)
Dans les deux cas,
la voiture est tractée par 6 chevaux en général,
même si 4 chevaux seraient suffisants sur chemin carrossable.
Les attelages du
75 ou de son caisson sont en général conduit "à
la Daumont", mais le harnachement des chevaux conduits en guides
sera aussi abordé ci-dessous.
On distingue:
-
le harnachement des chevaux de selle,
- le harnachement des chevaux de trait conduits
en guides,
- le harnachement des chevaux attelés
à la Daumont.
Harnachement
des chevaux de selle:
GARNITURES
DE TETE:
Licol
d'écurie: il équipe la tête du chaval lorsqu'il
est à l'écurie et ne comporte pas de mors.
Bridon
d'abreuvoir: au même titre que le licol, il permet d'attacher
le cheval à un point fixe.
La garniture
de tête modèle 1874 comprend:
la Bride de
porteur
avec son mors de filet
:
le
Collier d'attache: est fixé autour du cou du cheval et
l'extrémité de la longe en chaîne est fixée
au dé de longe de la sacoche gauche pour les chevaux de selle,
ou à l'anneau extérieur du dessus de cou pour les chevaux
d'attelage.
SELLERIE:
la Selle montée avec sacoches est destinée aux chevaux
de selle. Les sacoches ne sont pas montées pour les chevaux d'attelage.
les Sacoches: viennent se fixer sur le pommeau, à l'avant
de la selle. Elles comportent des poches à fer à cheval
dans leur partie inférieure
la Selle:elle
comporte plusieurs courroies pour arrimer le paquetage. Sur celle-ci
vient se fixer le sabre, coté gauche. A l'arrière,
le manteau vient se fixer sur les courroies de troussequin.
Harnachement
des chevaux
de trait conduits en guide:
Le harnachement d'attelage en guides modèle
1861
est composé de:
une
bricole avec dessus de cou,
une paire de traits,
une sous ventrière,
une avaloire,
une croupière,
une plate longe.
Harnachement
des chevaux
attelés à la Daumont:
Ce
type de harnachement est différencié entre les chevaux
de devant et ceux de derrière. Chacun d'entre eux comporte un
harnachement de porteur et un harnachement de sous verge.
Les
chevaux dits "porteurs" de derrière: leur harnachement
comprend une garniture de tête de cheval de selle modèle
1874 et un harnais d'attelage modèle 1861 (bricole, trait, sous
ventrière, avaloire, plate longe) dont le surdos est ici remplacé
par une selle sans sacoches.
Les
chevaux dits "porteurs" de devant: leur harnachement
est le même que les porteurs de derrière mais le harnais
modèle 1861 ne comporte pas d'avaloire, ni de plate longe, et
les traits sont soutenus par un surdos.
Le
harnachement des chevaux dits "sous verges de derrière"
se compose :
d'une
garniture de tête de sous verge modèle 1874,
d'un harnais
modèle 1861 dont le surdos est remplacé par une sellette
qui accueille les sacoches.
Le
harnachement des chevaux dits "sous verges de devant"
est le même que les sous verges de derrière mais le harnais
ne comporte ni avaloire, ni plate longe et les traits sont soutenus
par un surdos.
A
SUIVRE...
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